Afrique: l’addiction aux drogues, une crise multidimensionnelle

Jaurès BOKO
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Afrique: l’addiction aux drogues, une crise multidimensionnelle

Johannesburg,  02 novembre 2025—PRESS AFRICA— En 2025, l’Afrique fait face à une réalité inquiétante : la consommation et la dépendance aux substances psychoactives chez les jeunes se sont affirmées comme un problème de santé publique majeur, aux variations marquées selon les régions, les substances et les vulnérabilités sociales.

Selon les rapports et revues scientifiques publiés récemment, l’usage de substances chez les adolescents et jeunes adultes en Afrique subsaharienne reste élevé et hétérogène : l’alcool, le tabac et le cannabis demeurent les substances les plus consommées, tandis que l’usage non médical d’opioïdes (notamment le tramadol) et l’arrivée de stupéfiants synthétiques puissants (nitazènes) augmentent rapidement dans plusieurs pays d’Afrique de l’Ouest et d’Afrique centrale. Ces nouvelles substances, parfois mélangées à des drogues traditionnelles, exposent les jeunes à des risques accrus de surdose et de complications sanitaires.

Les chiffres disponibles varient fortement selon les études et les pays, mais des revues épidémiologiques récentes estiment que dans certaines zones la prévalence d’usage d’au moins une substance chez les adolescents peut atteindre 30–45 %. Les taux sont généralement plus élevés dans des contextes urbains défavorisés, chez les jeunes déscolarisés ou ceux exposés à des conflits ou à un fort taux de chômage. Par ailleurs, l’accès aux services de traitement reste dramatiquement faible : l’Afrique affiche l’un des taux de couverture de traitement pour les troubles liés à l’usage de substances parmi les plus bas au monde, laissant la majorité des jeunes sans prise en charge adaptée.

Plusieurs facteurs structurels expliquent cette situation. La faiblesse des systèmes de santé mentale et de prise en charge des dépendances, la stigmatisation sociale, l’absence de programmes scolaires de prévention adaptés, ainsi que l’augmentation de l’offre illégale — liée à l’essor des corridors de trafic et au mélange de marchés locaux et internationaux — contribuent à une exposition accrue des jeunes. À cela s’ajoutent des facteurs culturels et économiques : usage récréatif d’alcool, accès facilité aux médicaments opioïdes en vente illicite (tramadol), pratiques d’automédication et pressions psychosociales.

Des exemples locaux montrent l’ampleur du défi humain : dans certains pays du sud et de l’ouest de l’Afrique, des organisations locales rapportent des pratiques dangereuses (injections, consommation de mélanges inconnus, « kush » mélangé à des synthétiques) qui ont déjà entraîné des cas de surdose et une augmentation des infections transmissibles. Ces phénomènes poussent des mères, associations de quartiers et ONG à lancer des campagnes d’éducation et des unités d’appui psychosocial, souvent avec des moyens limités.

Sur le plan régional, on observe des dynamiques spécifiques. En Afrique de l’Ouest et Centrale, on relève la montée du tramadol et détection de nitazènes dans certains mélanges, marchés de cannabis altéré « kush » et l’augmentation des expositions malgré une rudimentaire capacité d’analyse chimique. En Afrique australe, on note la présence accrue de méthamphétamine et pratiques d’injection dans des poches urbaines, avec une forte corrélation observée entre usage de drogues et risques liés au VIH dans certains contextes. L’Afrique orientale et le nord-africain sont caractérisés par les variations selon les pays, mais des signaux d’alerte sur l’usage non médical de médicaments sur ordonnance et sur les circuits de contamination liés au transit des drogues.

Les réponses politiques et opérationnelles existent, mais restent fragmentaires. L’Union africaine et les agences internationales ont multiplié les appels à l’action et les programmes de prévention axés sur les jeunes, favorisant l’éducation par les pairs, la formation des personnels de santé et le renforcement des capacités nationales de surveillance des drogues. Cependant, la mise en œuvre est freinée par des ressources limitées, des priorités concurrentes (sécurité, crises humanitaires) et la stigmatisation persistante. Beaucoup d’experts demandent une réorientation : passer d’une approche purement répressive à des stratégies intégrées mêlant prévention, réduction des risques, traitement et réinsertion sociale.

Des solutions prometteuses émergent toutefois : interventions communautaires dirigées par des jeunes, programmes scolaires de prévention basés sur des preuves, centres de traitement intégrés santé mentale/addiction, et campagnes de dépistage et d’information qui utilisent les réseaux sociaux et la paire-éducation. L’amélioration de la surveillance des marchés de drogues (analyse chimique, signalement rapide) est aussi cruciale pour détecter rapidement l’arrivée de substances nouvelles et dangereuses.

En conclusion, 2025 marque un tournant : la consommation de drogues chez les jeunes africains n’est plus un phénomène marginal mais une crise multidimensionnelle qui exige des réponses coordonnées, financées et centrées sur la santé publique. Sans augmentation significative des capacités de prévention, de traitement et de réduction des risques, les sociétés africaines risquent de voir se creuser des pertes humaines et sociales évitables. L’enjeu principal demeure la volonté politique d’investir dans des solutions adaptées aux réalités locales et dirigées par et pour les jeunes eux-mêmes.

Rédactrice: Khadidjatou BAWA ALLAH

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