Eswatini : les limites d’un plateau sanitaire sous pression

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Eswatini : les limites d’un plateau sanitaire sous pression

Mbabane, 15 novembre 2025—PRESS AFRICA— Dans le petit royaume d’Eswatini, anciennement Swaziland, la santé publique reste l’un des domaines les plus fragiles de la gouvernance nationale. Malgré quelques progrès en matière de couverture médicale et de lutte contre les grandes pandémies, le pays fait face à un plateau sanitaire limité, incapable de répondre à la demande croissante d’une population en pleine mutation démographique.

Un système de santé sous-dimensionné

Avec un peu plus d’1,2 million d’habitants, l’Eswatini dispose de 30 hôpitaux publics et d’environ 300 centres de soins primaires, selon les chiffres du ministère de la Santé. Ces infrastructures couvrent théoriquement l’ensemble du territoire, mais en pratique, elles sont souvent mal équipées, sous-dotées en personnel et dépourvues de ressources médicales essentielles.

Le pays consacre moins de 8 % de son budget national à la santé, un ratio en deçà des recommandations de l’Union africaine. « Nos hôpitaux sont saturés, surtout dans les zones rurales où un seul médecin dessert parfois plus de 15 000 habitants », déplore Dr Nhlanhla Dlamini, praticien à l’hôpital régional de Hhohho.

La persistance des grandes pandémies

L’Eswatini reste l’un des pays les plus touchés au monde par le VIH/Sida, avec une prévalence d’environ 26 % chez les adultes. Si le gouvernement a réussi à généraliser l’accès aux antirétroviraux, le système de santé continue de subir le poids de cette pandémie, qui absorbe une large part des ressources médicales.

Les campagnes de prévention ont réduit le nombre de nouvelles infections, mais le pays doit désormais affronter une recrudescence des maladies non transmissibles — diabète, hypertension, cancers — pour lesquelles les équipements de dépistage et de traitement restent rares.

« Nous avons concentré nos efforts sur le VIH pendant des décennies, mais d’autres maladies silencieuses prennent désormais le dessus », alerte Sibongile Maseko, infirmière-cheffe à l’hôpital de Manzini.

Des infrastructures vétustes et un manque criard de matériel

 Dans plusieurs établissements publics, les salles d’opération et les laboratoires datent de plus de vingt ans. Les ruptures de stock de médicaments essentiels sont fréquentes, notamment dans les zones rurales.

Les pannes d’électricité et le manque d’eau potable compliquent encore les soins. À Nhlangano, par exemple, les patients parcourent parfois plus de 50 kilomètres pour trouver un centre disposant d’un simple appareil de radiographie.

Le personnel médical, en sous-effectif chronique, subit une charge de travail éprouvante. Beaucoup choisissent d’émigrer vers l’Afrique du Sud voisine, mieux rémunératrice. Cette fuite des compétences fragilise davantage un système déjà essoufflé.

Des efforts de modernisation encore timides

Le gouvernement du roi Mswati III a lancé en 2023 le “National Health Improvement Plan 2023-2028”, un programme de modernisation des infrastructures et de renforcement du personnel médical. Plusieurs hôpitaux régionaux doivent être rénovés, et un projet pilote d’hôpital numérique a vu le jour à Mbabane avec le soutien de la Banque mondiale.

Cependant, faute de financement durable, ces initiatives avancent lentement. Les partenariats avec le Fonds mondial et l’Organisation mondiale de la santé (OMS) permettent d’assurer la continuité des soins essentiels, mais la dépendance à l’aide extérieure reste préoccupante.

« L’Eswatini doit investir davantage dans son propre système de santé. Sans autonomie financière, nous ne pourrons pas bâtir un plateau sanitaire solide », estime Dr Nomusa Simelane, économiste de la santé.

La santé rurale, grande oubliée

Dans les zones montagneuses et éloignées, la situation est encore plus critique. Le manque de routes praticables, de moyens de transport et de centres médicaux conduit nombre d’habitants à recourir à la médecine traditionnelle.

Les sages-femmes communautaires assurent encore près de 30 % des accouchements hors structure hospitalière. Si leur rôle est essentiel, les complications obstétricales restent fréquentes et la mortalité maternelle demeure élevée : environ 300 décès pour 100 000 naissances vivantes, selon l’OMS.

Une jeunesse en demande de soins et d’espoir

Les jeunes, qui représentent plus de 50 % de la population, sont particulièrement vulnérables. Le chômage, les grossesses précoces et les infections sexuellement transmissibles pèsent lourdement sur les services de santé.

Des initiatives locales, telles que le programme “Youth Health Corners”, ont vu le jour pour offrir un accompagnement médical et psychologique adapté, mais leur couverture reste limitée à quelques districts urbains.

Un plateau sanitaire à reconstruire…

L’Eswatini fait face à un défi sanitaire structurel : moderniser son système de santé tout en maintenant les acquis dans la lutte contre le VIH et en répondant aux nouveaux besoins d’une population jeune et vulnérable. Sans un engagement budgétaire fort, une meilleure formation du personnel et un renforcement des infrastructures rurales, le plateau sanitaire du royaume risque de demeurer fragile et inégalitaire. Mais derrière les failles, l’espoir subsiste : celui d’une génération de soignants, d’ONG et de citoyens déterminés à bâtir, pas à pas, un système de santé digne de la résilience du peuple swazi.

Rédacteur: Saïd TESSILIMI

Sommaire
Mbabane, 15 novembre 2025—PRESS AFRICA— Dans le petit royaume d’Eswatini, anciennement Swaziland, la santé publique reste l’un des domaines les plus fragiles de la gouvernance nationale. Malgré quelques progrès en matière de couverture médicale et de lutte contre les grandes pandémies, le pays fait face à un plateau sanitaire limité, incapable de répondre à la demande croissante d’une population en pleine mutation démographique.Un système de santé sous-dimensionnéAvec un peu plus d’1,2 million d’habitants, l’Eswatini dispose de 30 hôpitaux publics et d’environ 300 centres de soins primaires, selon les chiffres du ministère de la Santé. Ces infrastructures couvrent théoriquement l’ensemble du territoire, mais en pratique, elles sont souvent mal équipées, sous-dotées en personnel et dépourvues de ressources médicales essentielles.Le pays consacre moins de 8 % de son budget national à la santé, un ratio en deçà des recommandations de l’Union africaine. « Nos hôpitaux sont saturés, surtout dans les zones rurales où un seul médecin dessert parfois plus de 15 000 habitants », déplore Dr Nhlanhla Dlamini, praticien à l’hôpital régional de Hhohho.La persistance des grandes pandémiesL’Eswatini reste l’un des pays les plus touchés au monde par le VIH/Sida, avec une prévalence d’environ 26 % chez les adultes. Si le gouvernement a réussi à généraliser l’accès aux antirétroviraux, le système de santé continue de subir le poids de cette pandémie, qui absorbe une large part des ressources médicales.Les campagnes de prévention ont réduit le nombre de nouvelles infections, mais le pays doit désormais affronter une recrudescence des maladies non transmissibles — diabète, hypertension, cancers — pour lesquelles les équipements de dépistage et de traitement restent rares.« Nous avons concentré nos efforts sur le VIH pendant des décennies, mais d’autres maladies silencieuses prennent désormais le dessus », alerte Sibongile Maseko, infirmière-cheffe à l’hôpital de Manzini.Des infrastructures vétustes et un manque criard de matériel Dans plusieurs établissements publics, les salles d’opération et les laboratoires datent de plus de vingt ans. Les ruptures de stock de médicaments essentiels sont fréquentes, notamment dans les zones rurales.Les pannes d’électricité et le manque d’eau potable compliquent encore les soins. À Nhlangano, par exemple, les patients parcourent parfois plus de 50 kilomètres pour trouver un centre disposant d’un simple appareil de radiographie.Le personnel médical, en sous-effectif chronique, subit une charge de travail éprouvante. Beaucoup choisissent d’émigrer vers l’Afrique du Sud voisine, mieux rémunératrice. Cette fuite des compétences fragilise davantage un système déjà essoufflé.Des efforts de modernisation encore timidesLe gouvernement du roi Mswati III a lancé en 2023 le “National Health Improvement Plan 2023-2028”, un programme de modernisation des infrastructures et de renforcement du personnel médical. Plusieurs hôpitaux régionaux doivent être rénovés, et un projet pilote d’hôpital numérique a vu le jour à Mbabane avec le soutien de la Banque mondiale.Cependant, faute de financement durable, ces initiatives avancent lentement. Les partenariats avec le Fonds mondial et l’Organisation mondiale de la santé (OMS) permettent d’assurer la continuité des soins essentiels, mais la dépendance à l’aide extérieure reste préoccupante.« L’Eswatini doit investir davantage dans son propre système de santé. Sans autonomie financière, nous ne pourrons pas bâtir un plateau sanitaire solide », estime Dr Nomusa Simelane, économiste de la santé.La santé rurale, grande oubliéeDans les zones montagneuses et éloignées, la situation est encore plus critique. Le manque de routes praticables, de moyens de transport et de centres médicaux conduit nombre d’habitants à recourir à la médecine traditionnelle.Les sages-femmes communautaires assurent encore près de 30 % des accouchements hors structure hospitalière. Si leur rôle est essentiel, les complications obstétricales restent fréquentes et la mortalité maternelle demeure élevée : environ 300 décès pour 100 000 naissances vivantes, selon l’OMS.Une jeunesse en demande de soins et d’espoirLes jeunes, qui représentent plus de 50 % de la population, sont particulièrement vulnérables. Le chômage, les grossesses précoces et les infections sexuellement transmissibles pèsent lourdement sur les services de santé.Des initiatives locales, telles que le programme “Youth Health Corners”, ont vu le jour pour offrir un accompagnement médical et psychologique adapté, mais leur couverture reste limitée à quelques districts urbains.Un plateau sanitaire à reconstruire…L’Eswatini fait face à un défi sanitaire structurel : moderniser son système de santé tout en maintenant les acquis dans la lutte contre le VIH et en répondant aux nouveaux besoins d’une population jeune et vulnérable. Sans un engagement budgétaire fort, une meilleure formation du personnel et un renforcement des infrastructures rurales, le plateau sanitaire du royaume risque de demeurer fragile et inégalitaire. Mais derrière les failles, l’espoir subsiste : celui d’une génération de soignants, d’ONG et de citoyens déterminés à bâtir, pas à pas, un système de santé digne de la résilience du peuple swazi.
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