Alger, 24 novembre 2025—PRESS AFRICA— L’Algérie, pays carrefour entre le Sahel, le Maghreb et la Méditerranée, accueille depuis plus d’une décennie un nombre croissant de ressortissants subsahariens. Ils viennent du Mali, du Niger, du Tchad, du Cameroun, de Côte d’Ivoire, de Guinée et de plusieurs autres pays d’Afrique de l’Ouest et centrale. Certains ne font que transiter vers l’Europe, mais d’autres s’installent temporairement ou durablement dans les grandes villes algériennes.

Si le pays reste l’un des pôles économiques les plus attractifs de la région, la vie des Africains noirs en Algérie demeure marquée par de nombreux défis socio-économiques et sécuritaires, souvent exacerbés par les tensions migratoires et les perceptions sociales.
Un accueil contrasté : hospitalité individuelle, pression sociale collective
Au quotidien, de nombreux Africains noirs témoignent recevoir des gestes de solidarité, notamment dans les quartiers populaires, les marchés et les mosquées.
Mais en parallèle, la perception collective reste ambivalente, nourrie notamment par l’augmentation visible des flux migratoires, une anxiété sociale aggravée par la crise économique, un manque de politique publique de régulation de la migration, et des tensions culturelles et linguistiques.
Cette dualité (hospitalité individuelle, rigidité institutionnelle) crée une coexistence fragile, où les migrants et résidents subsahariens s’adaptent tant bien que mal.
Précarité économique : la réalité des petits boulots
Pour la majorité, l’intégration professionnelle reste très difficile. Faute de statut légal clair, les opportunités se limitent souvent au travail informel dont le nettoyage, la manutention, le gardiennage et d’autres liés au BTP. Ces métiers sous-payés exposent les travailleurs entre autres à l’exploitation par certains intermédiaires, des salaires parfois non versés, des journées longues et difficiles, et à l’absence totale de protection sociale. Selon plusieurs ONG locales, cette vulnérabilité est aggravée par l’impossibilité d’accéder à des contrats officiels, ce qui crée une dépendance économique forte.
Logement, entre insalubrité et instabilité
L’accès à un logement décent est l’un des plus grands obstacles.
Beaucoup vivent dans des chambres collectives, dans des bâtiments en construction, dans des quartiers périphériques ou dans des locations informelles particulièrement coûteuses. Cette précarité est accentuée par un manque de documents d’identité reconnus, la méfiance ou les réticences de certains bailleurs et surtout par la peur des expulsions, parfois soudaines.
Difficile accès aux soins
Les conditions de vie, souvent exiguës et peu sécurisées, fragilisent les familles et les travailleurs isolés. Bien que les urgences hospitalières puissent accueillir toute personne en détresse, la réalité est plus complexe pour les Africains noirs caractérisés par l’accès limité au système de santé, les coûts de soins parfois prohibitifs, l’absence d’assurance et les discriminations isolées dans certains établissements. Pour de nombreux migrants, le recours à l’automédication ou à des réseaux communautaires reste courant.
Racisme et discrimination ou une réalité encore présente
Le sujet est sensible, mais impossible à ignorer. Plusieurs Africains noirs rapportent des insultes dans la rue, des refus d’embauche liés à la couleur de peau, des contrôles policiers fréquents, des agressions isolées, parfois graves. Même si une partie de la société condamne fermement ces comportements, la discrimination raciale existe bel et bien, alimentée par les tensions migratoires, la méconnaissance culturelle réciproque, certaines représentations héritées du passé et les discours médiatiques polarisants. Des associations algériennes et internationales travaillent à sensibiliser l’opinion, mais le chemin reste long.
La question des expulsions et des contrôles policiers
L’un des points les plus controversés concerne les opérations de regroupement et de reconduite de migrants subsahariens vers les frontières sud du pays, notamment celles du Niger. Ces opérations, dénoncées par certaines ONG, suscitent un débat national. Pour l’État, il s’agit de maîtriser des flux migratoires irréguliers et de garantir la sécurité. Pour les associations, ces pratiques manquent de transparence et mettent en danger des personnes vulnérables.
Une communauté résiliente, organisée autour de réseaux d’entraide
Face aux difficultés, les Africains noirs installés en Algérie s’appuient sur des réseaux communautaires puissants, des groupes religieux (églises, mosquées africaines), des plateformes numériques, des associations informelles qui facilitent emploi, logement et soutien moral. Cette résilience explique en partie la capacité de certains à s’inscrire durablement dans le tissu social.
La situation des Africains noirs en Algérie reflète un phénomène continental : la transformation des routes migratoires, la recomposition des identités africaines et les tensions générées par la mondialisation des déplacements.
Si des gestes de solidarité et des initiatives citoyennes existent, les difficultés restent nombreuses. L’Algérie, pays charnière entre l’Afrique noire et le Maghreb, a la possibilité de devenir un modèle d’accueil et de coexistence. Mais cette transformation nécessitera des efforts institutionnels, sociaux et culturels durables.
Rédacteur: Saïd TESSILIMI

