Victoria, 24 novembre 2025—PRESS AFRICA— Connues pour leurs plages idylliques et leur stabilité politique rare dans la région, les Seychelles cultivent également une réputation discrète ; celle d’un refuge financier où, depuis plus de trois décennies, s’entremêlent sociétés écrans, capitaux offshore et fortunes parfois soigneusement dissimulées. Bien que le pays ait entrepris plusieurs réformes de transparence, son passé et certaines pratiques actuelles continuent d’alimenter les soupçons sur la persistance de flux financiers opaques.
Une architecture juridique taillée pour l’offshore
Dès les années 1990, les Seychelles ont mis en place l’une des législations offshore les plus attractives au monde. L’archipel proposait la création rapide de sociétés internationales (IBC), une fiscalité quasi nulle pour les entités non résidentes, le secret bancaire strict et des registres d’actionnaires non accessibles au public.
Ce cadre, destiné à attirer des capitaux étrangers pour soutenir une économie aux ressources limitées, a eu un succès considérable… mais aussi des dérives. Entre 2000 et 2018, le nombre de sociétés offshore enregistrées dépassait parfois 10 000 par an, un volume disproportionné pour un pays de moins de 100 000 habitants.
Des capitaux venus de partout… et de nulle part
Avec des procédures simplifiées et des coûts réduits, l’archipel est devenu une destination privilégiée pour des entreprises cherchant à optimiser leur fiscalité, pour des fortunes privées souhaitant protéger leurs actifs, pour des intermédiaires financiers opérant dans l’ombre et pour des acteurs impliqués dans des montages transfrontaliers complexes.
Si la majorité des structures ne sont pas illégales, certaines ont servi à masquer des bénéficiaires réels, à contourner les sanctions, à dissimuler des avoirs issus de la corruption et à faciliter l’évasion fiscale à grande échelle.
Le rôle des cabinets de création de sociétés
Une constellation de cabinets spécialisés, basés à Victoria ou opérant depuis Dubaï, Hong Kong et même Londres, ont prospéré sur ce marché. Ces intermédiaires proposaient des services « clé en main » notamment la création de sociétés en 24 heures ; la mise à disposition de directeurs fictifs ; les comptes bancaires offshore associés et les transferts financiers dissimulés via plusieurs juridictions. Cette industrie, longtemps peu contrôlée, a contribué à maintenir un écosystème propice aux montages financiers opaques.
Une réputation de paradis financier difficile à effacer
Malgré des progrès notables, les Seychelles restent régulièrement pointées du doigt par le FMI, le Groupe d’action financière (GAFI), l’Union européenne et l’OCDE. En 2020, l’archipel a été placé sur la liste noire européenne des paradis fiscaux, avant d’être retiré sous conditions. Mais pour de nombreux analystes, il demeure une zone grise de la finance mondiale.
Des réformes récentes
Sous pression diplomatique, les Seychelles ont entamé des réformes se résumant au renforcement de la transparence des bénéficiaires effectifs, au contrôle accru des sociétés écrans, à la coopération plus active avec les enquêtes internationales, au durcissement des règles bancaires, et à l’amélioration de la lutte contre le blanchiment. Le gouvernement affirme vouloir nettoyer l’image du pays et protéger son secteur touristique des retombées d’un scandale financier.
Des fortunes toujours à l’ombre ?
Malgré ces efforts, les experts s’accordent une part importante des fortunes dissimulées ne se trouve pas physiquement aux Seychelles, mais dans les structures juridiques domiciliées dans l’archipel. En d’autres termes, l’argent circule dans des réseaux financiers mondiaux, mais bénéficie de l’anonymat seychellois. L’accès restreint aux registres, même réformés, et les pratiques héritées du passé permettent à certains capitaux de continuer à s’y cacher, parfois avec des ramifications sur plusieurs continents.
Un équilibre fragile entre attractivité et transparence
L’archipel doit aujourd’hui arbitrer entre deux impératifs contradictoires : préserver son secteur offshore, qui génère des revenus importants et se conformer aux normes internationales et éviter les sanctions. Cette équation délicate déterminera la place future des Seychelles dans la finance mondiale.
Aujourd’hui, les Seychelles tentent de se repositionner moins paradisiaques pour les fortunes opaques, mais encore assez attractives pour les capitaux discrets. Le pays reste au cœur d’un débat mondial : peut-on concilier souveraineté économique, besoin de revenus et impératif de transparence ?
Rédacteur: Saïd TESSILIMI

