Abuja, 06 novembre 2025 —PRESS AFRICA— Cinquante ans après sa création, la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) traverse l’une des périodes les plus critiques de son existence. Née en 1975 avec la promesse d’une intégration régionale fondée sur la solidarité, la libre circulation et la paix, l’organisation peine aujourd’hui à maintenir son unité face aux bouleversements politiques et géopolitiques de la région.

Une communauté en perte de cohésion
Les récents retraits du Mali, du Burkina Faso et du Niger, officialisés en 2024, ont profondément ébranlé l’institution. Ces trois pays, désormais réunis au sein de l’Alliance des États du Sahel (AES), accusent la CEDEAO d’être devenue un instrument d’ingérence étrangère, trop éloignée des réalités africaines. Cette fracture marque une rupture sans précédent dans l’histoire de la communauté, fondée justement sur l’idée d’un destin commun ouest-africain.
Des sanctions contestées et un leadership affaibli
Les sanctions imposées aux régimes militaires de la sous-région ont cristallisé les critiques. Si la CEDEAO voulait défendre les principes démocratiques, ses mesures économiques ont souvent pénalisé les populations plus que les dirigeants visés. Dans plusieurs pays, des voix s’élèvent pour dénoncer une institution « déconnectée » et « partiale ».
Les divisions internes affaiblissent également son autorité. Entre les priorités économiques du Nigeria, les ambitions diplomatiques du Ghana et la prudence du Sénégal, difficile d’imposer une ligne commune. La CEDEAO peine ainsi à parler d’une seule voix sur les dossiers majeurs, du terrorisme au commerce régional.
Une intégration économique au point mort
Sur le plan économique, l’ambition d’un marché commun peine à se concrétiser. Malgré des décennies de discussions, la monnaie unique régionale, l’ECO, reste au stade de projet. Les frontières demeurent des obstacles pour les échanges, la bureaucratie freine la mobilité des biens, et les inégalités de développement entre États membres compliquent toute harmonisation.
La promesse d’une intégration économique fondée sur la libre circulation des personnes et des capitaux semble aujourd’hui compromise par le retour du protectionnisme et les tensions politiques.
Sécurité : un défi qui dépasse les États
Dans le domaine sécuritaire, la CEDEAO fait face à une succession de crises qui mettent en péril sa crédibilité. De la menace djihadiste dans le Sahel à l’instabilité en Guinée ou en Sierra Leone, la région reste l’une des plus exposées du continent.
La Force en attente de la CEDEAO, pourtant créée pour répondre rapidement aux menaces régionales, demeure peu opérationnelle, faute de moyens logistiques et de coordination politique. Les interventions extérieures, qu’elles soient africaines ou internationales, tendent à remplacer l’action régionale, reléguant la CEDEAO à un rôle consultatif.
Une refondation nécessaire
Face à cette situation, plusieurs analystes appellent à une refonte profonde de l’organisation. Pour le politologue ivoirien Yao Kouassi, « la CEDEAO doit redevenir une communauté de peuples, pas seulement une conférence de chefs d’État ». Il plaide pour un recentrage sur les priorités régionales : emploi des jeunes, sécurité alimentaire, et développement d’infrastructures.
D’autres observateurs estiment que la CEDEAO devrait s’inspirer du modèle de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf), en privilégiant des projets économiques concrets et mesurables plutôt que des déclarations politiques.
Une institution à la croisée des chemins
À un moment où l’Afrique de l’Ouest se redéfinit politiquement et géo-stratégiquement, la CEDEAO se trouve à la croisée des chemins. Sa survie dépendra de sa capacité à se réinventer, à restaurer la confiance de ses membres et à renouer avec les aspirations des citoyens ouest-africains. Car plus qu’une simple organisation régionale, la CEDEAO reste le symbole d’un idéal : celui d’une Afrique de l’Ouest solidaire et souveraine. Reste à savoir si cet idéal pourra encore se concrétiser.
Rédacteur : Saïd TESSILIMI
Sommaire
Abuja, 06 novembre 2025 —PRESS AFRICA— Cinquante ans après sa création, la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) traverse l’une des périodes les plus critiques de son existence. Née en 1975 avec la promesse d’une intégration régionale fondée sur la solidarité, la libre circulation et la paix, l’organisation peine aujourd’hui à maintenir son unité face aux bouleversements politiques et géopolitiques de la région.Une communauté en perte de cohésionLes récents retraits du Mali, du Burkina Faso et du Niger, officialisés en 2024, ont profondément ébranlé l’institution. Ces trois pays, désormais réunis au sein de l’Alliance des États du Sahel (AES), accusent la CEDEAO d’être devenue un instrument d’ingérence étrangère, trop éloignée des réalités africaines. Cette fracture marque une rupture sans précédent dans l’histoire de la communauté, fondée justement sur l’idée d’un destin commun ouest-africain.Des sanctions contestées et un leadership affaibliLes sanctions imposées aux régimes militaires de la sous-région ont cristallisé les critiques. Si la CEDEAO voulait défendre les principes démocratiques, ses mesures économiques ont souvent pénalisé les populations plus que les dirigeants visés. Dans plusieurs pays, des voix s’élèvent pour dénoncer une institution « déconnectée » et « partiale ».Les divisions internes affaiblissent également son autorité. Entre les priorités économiques du Nigeria, les ambitions diplomatiques du Ghana et la prudence du Sénégal, difficile d’imposer une ligne commune. La CEDEAO peine ainsi à parler d’une seule voix sur les dossiers majeurs, du terrorisme au commerce régional.Une intégration économique au point mortSur le plan économique, l’ambition d’un marché commun peine à se concrétiser. Malgré des décennies de discussions, la monnaie unique régionale, l’ECO, reste au stade de projet. Les frontières demeurent des obstacles pour les échanges, la bureaucratie freine la mobilité des biens, et les inégalités de développement entre États membres compliquent toute harmonisation.La promesse d’une intégration économique fondée sur la libre circulation des personnes et des capitaux semble aujourd’hui compromise par le retour du protectionnisme et les tensions politiques.Sécurité : un défi qui dépasse les ÉtatsDans le domaine sécuritaire, la CEDEAO fait face à une succession de crises qui mettent en péril sa crédibilité. De la menace djihadiste dans le Sahel à l’instabilité en Guinée ou en Sierra Leone, la région reste l’une des plus exposées du continent.La Force en attente de la CEDEAO, pourtant créée pour répondre rapidement aux menaces régionales, demeure peu opérationnelle, faute de moyens logistiques et de coordination politique. Les interventions extérieures, qu’elles soient africaines ou internationales, tendent à remplacer l’action régionale, reléguant la CEDEAO à un rôle consultatif.Une refondation nécessaireFace à cette situation, plusieurs analystes appellent à une refonte profonde de l’organisation. Pour le politologue ivoirien Yao Kouassi, « la CEDEAO doit redevenir une communauté de peuples, pas seulement une conférence de chefs d’État ». Il plaide pour un recentrage sur les priorités régionales : emploi des jeunes, sécurité alimentaire, et développement d’infrastructures.D’autres observateurs estiment que la CEDEAO devrait s’inspirer du modèle de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf), en privilégiant des projets économiques concrets et mesurables plutôt que des déclarations politiques.Une institution à la croisée des cheminsÀ un moment où l’Afrique de l’Ouest se redéfinit politiquement et géo-stratégiquement, la CEDEAO se trouve à la croisée des chemins. Sa survie dépendra de sa capacité à se réinventer, à restaurer la confiance de ses membres et à renouer avec les aspirations des citoyens ouest-africains. Car plus qu’une simple organisation régionale, la CEDEAO reste le symbole d’un idéal : celui d’une Afrique de l’Ouest solidaire et souveraine. Reste à savoir si cet idéal pourra encore se concrétiser.Rédacteur : Saïd TESSILIMI

