Cotonou, le 22 octobre 2025 – PRESS AFRICA-Dans les rues animées de Cotonou, un phénomène inattendu attire l’attention : de plus en plus de personnes âgées reprennent le guidon des célèbres motos-taxis, appelées zémidjan. Ce retour aux sources redéfinit les codes d’un métier souvent perçu comme l’apanage des jeunes, et soulève des questions économiques, sociales et culturelles.
Un métier traditionnel revisité
Depuis plusieurs mois, les quais des gares routières et les artères principales de la capitale économique béninoise voient réapparaître des conducteurs de zémidjan d’un nouveau genre : des hommes de plus de 55 ans, parfois même au-delà de 70 ans.
« Après avoir travaillé toute ma vie dans le commerce, la retraite n’a pas été facile. Revenir comme zém me permet de rester actif, de gagner ma vie et de rester connecté avec la société », explique Augustin, 67 ans, à son guidon près du marché Dantokpa.
Les raisons d’un retour
Plusieurs facteurs expliquent ce phénomène. Il y a entre autres, la crise économique et l’insuffisance des pensions : beaucoup d’aînés ne disposent pas de revenus stables à la retraite et doivent trouver une source de revenus complémentaire ; la montée du coût de la vie : face à l’inflation persistante, le métier de Kèkènon reste accessible et lucratif, malgré ses risques ; la dynamique sociale et la reconnaissance : le métier offre une certaine autonomie, un statut social et un contact direct avec la population, souvent apprécié par ces seniors et la pression familiale : certains se font le devoir de contribuer au budget familial ou aider leurs enfants et petits-enfants.
Un défi physique et social
Reprendre un métier exigeant physiquement à un âge avancé n’est pas sans défis. Plusieurs organisations de santé alertent sur les risques liés à la fatigue, aux accidents et aux conditions de travail difficiles.
Une image qui évolue
Longtemps perçu comme un métier dangereux réservé aux jeunes hommes, le zémidjan s’ouvre à une diversité générationnelle et sociale nouvelle. Pour le sociologue béninois Dr. Koffi Hounkpe, « Ce retour des personnes âgées dans la corporation témoigne d’un changement profond des rapports au travail, mais aussi d’une nécessité économique. C’est une forme de résilience sociale qui mérite d’être reconnue et soutenue. »
Les jeunes conducteurs, parfois sceptiques, commencent à voir ces vétérans comme des sources de conseils et d’expérience, ce qui favorise une dynamique intergénérationnelle inédite. Aux dires du jeune Kèkènon Moussa, « Ils connaissent la ville mieux que nous, et nous apprenons beaucoup en les côtoyant ».
Le retour des personnes âgées dans la corporation des zémidjans à Cotonou illustre la capacité d’adaptation des populations face aux défis économiques et sociaux actuels. Ce phénomène bouscule les idées reçues, invite à repenser les solidarités urbaines, et pose les bases d’un métier plus inclusif et intergénérationnel. Cependant il urge que l’état central oriente la réinsertion socioprofessionnelle des personnes âgées qui ont pour obligation de travailler pour subvenir à leurs besoins vitaux, vers d’autres secteurs moins risqués afin limiter et/ou prévenir le pire.
Rédactrice: Khadidjatou BAWA ALLAH

