24 novembre 2025—PRESS AFRICA— Depuis le début des années 2000, le Maroc s’est imposé sur la scène africaine et arabe comme un cas singulier : un royaume engagé dans des réformes institutionnelles progressives, un développement économique soutenu et une diplomatie offensive. Ce modèle de gouvernance, souvent présenté comme une « voie marocaine » conciliant stabilité politique et modernisation, continue de façonner profondément la trajectoire du pays. Mais il suscite également des débats quant à ses limites, notamment en matière de gouvernance locale, de libertés publiques et de réduction des inégalités sociales.

Une monarchie exécutive au centre du système
Au cœur du modèle de gouvernance marocain, se trouve une monarchie constitutionnelle dont les prérogatives demeurent étendues. Le roi Mohammed VI, en fonction depuis 1999, incarne à la fois, chef de l’État ; autorité religieuse suprême (Commandeur des croyants) ; acteur économique majeur à travers les holdings royaux et chef-orienteur des grandes stratégies nationales.
Cette centralité assure une stabilité politique rare dans la région maghrébine, caractérisée par des transitions chaotiques chez plusieurs voisins. Le pouvoir royal joue un rôle d’arbitre entre institutions, coalitions gouvernementales et acteurs socio-économiques, ce qui limite les crises institutionnelles mais réduit l’autonomie réelle du gouvernement.
Des réformes institutionnelles sous contrôle
La Constitution de 2011, adoptée dans le contexte du printemps arabe, a renforcé le Parlement et le gouvernement, tout en introduisant des avancées sur comme la séparation des pouvoirs, les libertés fondamentales et la régionalisation avancée et dont la mise en œuvre reste partielle sur le terrain.
Les principaux leviers stratégiques – diplomatie, sécurité, grands projets économiques – demeurent pilotés par le Palais. Cette « gouvernance duale » permet une forte cohérence stratégique, mais elle entraîne des chevauchements de compétences et une faible responsabilisation des acteurs politiques.
Un modèle de développement reconnu mais inégalitaire
Le Maroc a réussi à se positionner comme un hub économique régional, notamment via notamment, une politique industrielle volontariste (automobile, aéronautique, textile, phosphates) ; le développement d’infrastructures stratégiques (Tanger Med, routes, ports, TGV) ; une ouverture économique assumée (ZLECAF, partenariats UE/USA, investissements africains).
Ces choix ont produit des résultats tangibles à savoir, la croissance supérieure à la moyenne régionale, l’attractivité pour les investisseurs étrangers et la montée en gamme technologique dans certains secteurs.
Cependant, les retombées restent inégalement réparties. Allusion aux fractures persistantes entre zones urbaines et rurales, le chômage des jeunes élevé, aux disparités régionales importantes malgré la régionalisation et à l’économie informelle évaluée entre 25 et 30 % du PIB.
Le Nouveau Modèle de Développement (NMD) lancé en 2021 reconnaît ces limites et fixe de nouveaux objectifs sociaux, mais sa mise en œuvre reste progressive.
Un leadership africain assumé
Sur le plan continental, Rabat mène une diplomatie économique proactive. On relève entre autres, des investissements massifs dans la banque, les télécoms, l’assurance, l’agroalimentaire ; la coopération religieuse et culturelle avec l’Afrique de l’Ouest ; le développement d’alliances énergétiques et agricoles et les retours stratégiques de la diaspora marocaine en Afrique. Ce positionnement a renforcé l’influence du Maroc, notamment au Sahel et en Afrique subsaharienne.
La question du Sahara : un pilier structurant
La gouvernance marocaine moderne s’articule fortement autour de la question du Sahara occidental, enjeu politique majeur. Les avancées diplomatiques récentes — notamment la reconnaissance américaine sous l’administration Trump, le soutien de plusieurs pays africains et arabes — renforcent le leadership du royaume.
Cependant, ce dossier mobilise une grande part de la politique étrangère, des budgets militaires élevés et une communication diplomatique permanente. Il reste un point de tension régional et conditionne largement les réformes internes.
Des avancées sociales, mais…
Le Maroc a enregistré des progrès dans la lutte contre la pauvreté, l’accès à la santé et à l’assurance maladie (AMO), la généralisation de la couverture sociale, et sur le plan des droits de la femme (Moudawana, participation économique).
Cependant, les défis dont la lenteur des réformes judiciaires, la perception limitée de l’indépendance des médias, les pressions sur les défenseurs des droits humains et la qualité variable de l’éducation publique demeurent.
Un modèle entre stabilité, contrôle et modernisation
Le modèle de gouvernance marocain se caractérise par un équilibre subtil reposant sur une monarchie forte qui assure la stabilité et impulse la vision stratégique ; des institutions politiques pluralistes, mais encore limitées dans leur autonomie ; une économie dynamique, mais socialement inégale et une diplomatie efficace, soutenue par une influence croissante sur le continent.
Ce modèle a permis au Maroc de maintenir une trajectoire ascendante dans un environnement régional souvent instable. Toutefois, la durabilité de cette gouvernance dépendra de sa capacité à réduire les inégalités, à renforcer la confiance dans les institutions, à accélérer la régionalisation, et à moderniser les pratiques politiques. Le royaume s’avance, résolument, sur une voie où la stabilité et la réforme doivent désormais avancer de concert.
Rédacteur: Saïd TESSILIMI

